Vulgarisation scientifique sur le thème de la médiation animale


« Intervention assistée par l’animal dans les pathologies du langage : réflexion pratique, clinique et théorique » (2022)

Sharon M. Antonucci, Ph.D. CCC-SLP

Titre original : « Animal-Assisted Intervention in Speech-Language Pathology : Practical, Clinical, an Theoretical Considerations »

Pourquoi ça m’intéresse ?

L’auteur soulève des pistes pour améliorer la recherche dans le domaine des thérapies assistées par l’animal. Elle propose également une liste sourcée des bienfaits indirects de la thérapie assistée par l’animal, et, dans le même temps les limites et les difficultés à prouver scientifiquement les effets directs sur les compétences cognitives, langagières et motrices notamment. Cet article présente des ressources accessibles concernant les compétences du chien.

Les points à retenir :

  • La profession initiale du “guide” de l’animal permet de définir le domaine d’action : activité assistée par l’animal ou thérapie assistée par l’animal. La thérapie assistée par l’animal (conduite par un professionnel du soin) doit se situer dans la continuité de la démarche du clinicien et requiert la même rigueur scientifique.
  • Très peu d’étude montrent des effets directs de la médiation animal dans les domaines langagier, cognitive et moteur. L’animal aurait un rôle indirect de motivation et d’apaisement notamment. Il permettrait également de créer un lien plus fort entre le thérapeute et son patient.
  • Cet article souligne un fait très important, il n’y a actuellement que très peu de données concernant l’efficacité sur le long terme et le nombre de séance nécessaire pour obtenir des effets maximum des thérapies assistées par l’animal.

Je peux prendre le temps de réfléchir à…

  • L’auteur aborde dans l’article les différentes configurations possibles pour mener une séance de thérapie assistée par l’animal : le clinicien peut-être le guide de l’animal ou il peut faire intervenir une tierce personnes. Quels peuvent être les avantages et les inconvénients des deux formats d’équipe ?
  • Les études sont difficilement reproductibles, notamment parce que l’individualité de l’animal joue un rôle très important. Il est donc nécessaire de prendre le temps de bien comprendre nos animaux. Quels sont les critères qui me permettent de choisir tel animal pour telle séance ?
  • La médiation animale doit s’inclure dans un travail de coordination entre les professionnels du soin et/ou les intervenants extérieurs. Quelles sont mes compétences, mes limites ? Quel est mon rôle et quelles sont mes objectifs lorsque j’organise une séance de médiation ?

Résumé de l’article en français

L’auteur de l’article présente dans un premier temps une distinction entre les « Animal-Assisted-Activity » (ou activité assistée par l’animal – AAA) et les « animal-assited-therapy » (ou thérapie assistée par l’animal TAA) 10.

Dans le cadre d’activités assistées par l’animal, on retrouve une équipe humain-animal spécialement formée proposant par exemple des activités lors de visites de structure de soin, des séances de lecture à des enfants, des activités de cohésion d’entreprise et bien plus encore. On ne retrouve pas dans ce contexte d’objectif défini individuel et il n’y a pas nécessairement d’évaluation des progrès.

Dans le cadre des thérapies assistées par l’animal, on retrouve une équipe humain-animal composé d’un clinicien et d’un animal (éventuellement guidée par une tierce personne). L’objectif est alors d’aider le patient individuellement à atteindre des objectifs préalablement fixés dans le cadre de sa thérapie. L’article s’intéresse ici spécifiquement aux orthophonistes.

Il est ensuite spécifié dans cet article les critères que doit remplir l’animal sur la base des recommandations de l’organisation à but non lucratif Pet Partners (https://petpartners.org/) 11. L’auteur défini ensuite les deux catégories de compétences : les « compétences de la vie de tous les jours » (suivi vétérinaire adéquat, compétence d’éducation de base propre à chaque espèce…) ainsi que les « compétences face aux personnes » (appétence pour les interactions, pour les contacts rapprochés, capacité à rester calme en toute circonstance…) 12 – 13. Il est également précisé que, selon l’auteur, l’animal ne doit en aucun cas se retrouver dans une situation déplaisante ou inquiétante pour lui. Comme nous l’avons vu plus haut, le clinicien n’est pas nécessairement la personne qui guide l’animal. Il n’est pas précisé dans cet article les avantages et les inconvénients des différentes configuration, notamment lorsque les intérêts de l’animal et du patient ne convergent pas et que la séance doit s’interrompre.

Concernant le choix des patients à impliquer dans des séances de TAA, l’auteur écrit que ce choix doit être fait en accord avec toutes les parties, et que les intérêts du patient et de l’animal ne doivent pas s’opposer. Dans le cas où le patient ne peut pas participer à des séances de TAA pour des raisons indépendantes de la volonté du clinicien (planning, raison médical…), l’auteur précise qu’il est alors possible de prévoir des photos, des vidéos ou tout autre matériel se rapportant à l’animal pour réaliser la séance.

L’auteur souligne également le fait que la thérapie assistée par l’animal est bien à situer dans une continuité des soins et non pas comme une thérapie indépendante. En effet, on incorpore des activités spécifiquement choisies pour atteindre des objectifs cliniques préalablement fixés par le clinicien.  Ainsi, tous les fondements de bonne pratique des cliniciens doivent être conservés : prise en compte de l’hygiène, choix des objectifs, réévaluations des objectifs et des procédures choisies, veille scientifique, analyse des résultats…11

L’auteur présente ensuite un résumé complet et sourcé des bénéfices constatées lors de thérapies assistées par l’animal. L’animal est décrit comme une source de motivation à la participation au traitement, une source d’émotion positive qui permet de diminuer l’anxiété et le stress 16-17. Des études montrent également une augmentation des taux d’ocytocine (hormone du lien affectif) et une diminution du cortisol (hormone du stress) 18-20. L’animal est également reconnu comme étant un partenaire de communication qui ne juge pas, qui améliore la confiance en soi et qui permet de faciliter les interactions sociales, en plus de permettre l’instauration d’une relation de confiance entre le patient et la personne qui guide l’animal 16,21-22. L’animal permet également notamment chez des enfants porteurs de TSA d’améliorer l’attention conjointe, d’augmenter les comportements verbaux et de favoriser le sourire lors des séances 14, 23-24. Des effets similaires sont rapportés concernant les patients porteur de démence 25-27 avec en plus une diminution des comportements d’agitation et une meilleure implication dans le traitement, ainsi que chez les patients présentant des troubles neurologies acquis, traumatique ou non (à la suite d’un accident vasculaire cérébraux par exemple) 3 , 17, 22, 25-28 .

En revanche, l’auteur poursuit sa revue de littérature en précisant que des effets directs sur des compétences cognitives, langagières ou motrices très spécifiquement sont nettement moins fréquemment rapportés. Des effets directs concernant la dénomination (nommer quelque chose) 28, initiative verbale 25 et le développement du langage 29 et les compétences conversationnelles 30 sont rapportés majoritairement dans des études de cas uniques. L’auteur liste les nombreux facteurs expliquant ce manque de preuve concernant la thérapie assistée par l’animal dans la littérature au moment où l’article est écrit 15,21,31-34  : les résultats ne sont pas significatif par rapport à ceux observés lors d’activité assistée par l’animal, les échantillons étudiés sont souvent trop petits, on retrouve une absence fréquente de groupe contrôle ou de comparaison avec d’autre thérapie possible 3, 22, 30, la reproductibilité des études est difficile (notamment parce que l’animal en lui-même joue un rôle important que l’on ne peut pas standardisé 35-38) et enfin le nombre important de manière d’introduire un animal rende difficile la mise en place d’un schéma d’étude standard 40.

Il apparait donc important de développer des protocoles standardisés 3,14, ainsi que des méthodes de calcul de résultats pour permettre la mise en place de recherche avec un plus haut niveau de preuve (de type essai clinique 41-42). L’auteur soulève également deux questionnements très intéressants. Premièrement, nous avons très peu d’information concernant la « dose » à administrer de séance de thérapie assistée par l’animal pour maximiser les effets 18, 43 et, deuxièmement, il y a à ce jour très peu de données concernant les effets sur le long terme 44.

Enfin, en terme de ressource, l’auteur place beaucoup d’espoir dans l’« Association of Animal-Assisted Intervention Professionals » (AAAIP) qui rassemble des cliniciens, des chercheurs, des professionnels du bien-être animal ainsi que des comportementalistes. Cette association propose également une certification d’« Animal-Assisted Intervention Specialist » (https://www.aaaiponline.org/).

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  1. Avatar de martorellibrycson93

    nices!! « Interaction chien/enfant lors de séances d’activité assistée par l’animal dans le cadre de soins pédiatriques à l’hôpital » (2023)

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  1. nices!! « Interaction chien/enfant lors de séances d’activité assistée par l’animal dans le cadre de soins pédiatriques à l’hôpital » (2023)

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